LE MAITRE (1/3)
Antoine Salido est né à Montauban en 1943.
A 63 ans il pourrait être à la retraite
mais il a continué à travailler en attendant
que sa femme, plus jeune, y soit arrivée. Antoine
Salido n’est pas un instit comme les autres. Au
Maroc où il était jeune coopérant
prof de maths au lendemain des guerres d’indépendance
il semait la graine du doute dans les consciences «
au point que certains de mes élèves se
sont retrouvés en prison » , dit-il un
peu mal à l’aise.
Arrivé dans l’Oise dans les années
60 avec sa femme il décide de prendre le poste
de l’école de St Crépin aux bois,
une classe unique. Il y est à la fois directeur,
économe, secrétaire, puériculteur
enfin tout. Mais cela lui convient, il est trop indépendant
et à l’étroit dans l’école
classique.
Un iconoclaste, un atypique, qui ce premier jour de
la rentrée 1973 enlève l’estrade
et s’installe au milieu des élèves.
Au début il fréquente les adeptes de l’Ecole
« libérée » Freinet et s’inspire
de leurs méthodes. D’ailleurs on viendra
d’assez loin pour mettre son enfant entre les
mains de cet instituteur différent. Mais pour
Antoine sa seule école c’est celle qu’il
exerce lui-même avec pragmatisme et bientôt
il rejettera « la secte qui ne mangeait que du
bio ».
Antoine n’est pas d’un abord sympathique,
il ne cherche d’ailleurs pas à l’être,
trente ans d’exercice solitaire forge un caractère
un peu bourru, il est à prendre comme il est.
Il n’est pas une mère avec les enfants
même s’il sait être près d’eux,
il est d’abord un Maître dont on respecte
l’autorité.
Sa méthode pédagogique il l’a construit
au fil du temps, petit à petit, à l’épreuve
des faits et de l’expérience pour constater
ce qui marche et ce qui ne marche pas, ce qu’on
peut faire et ce que l’on ne peut pas faire.
Il a voulu faire une école pour les enfants et
non pas des enfants pour une école. Il faut,
dit-il, se remettre en question en permanence, s’adapter
chaque jour, changer tout le temps.
« De toute façon
tout marche à l’affectif. Pour leur apprendre
à lire les enfants viennent avec leurs propres
mots, ceux qu’ils ont choisis, ceux qui ont du
sens pour eux. C’est ma méthode naturelle
de lecture » et les progrès des
CP sont spectaculaires. « Qu’un
enfant ne sache pas lire en 6ème c’est
impensable mais qu’a-t-il fait pendant 5 ans à
l’école ! ». Avec lui une
petite redoublante de CP venue d’ailleurs a appris
à lire en 2 mois.
« Avec moi tu vas lire je te
le promets » lui a-t-il dit en arrivant,
si sûr de lui.
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